Libri, Fattitaliani intervista Aikaterini Lefka autrice di «Tout est plein de dieux». Les divinités traditionnelles dans l’œuvre de Platon

Fattitaliani
« Tout est plein de dieux ». Les divinités traditionnelles dans l’œuvre de Platon. Du rapport entre religion et philosophie, préface de Luc Brisson, publié avec le concours de la Fondation Universitaire de Belgique, L’Harmattan, Paris, 2013. Pas moins de 81 divinités et groupes de divinités traditionnelles constellent les dialogues de Platon où elles font l’objet de près de 1200 mentions. À ce jour, aucune recherche sur la pensée religieuse, toujours très controversée, du philosophe n’a pris en considération l’ensemble de ces données.
Ce n’est que récemment que des platonisants ont accordé une attention particulière à quelques-unes de ces divinités, mais souvent de façon partielle. Le présent ouvrage s’efforce de combler cette lacune. La référence que fait le titre au célèbre mot attribué à Thalès, que cite Platon lui-même, est une manière de souligner l’omniprésence des divinités, non seulement dans l’univers, mais aussi dans la pensée du philosophe. Aussi la structure de l’enquête s’ordonne-t-elle autour du triptyque phusis, polis, psychè. Dans l’ensemble inextricable de composants rationnels et non rationnels que présente cette parole philosophique, une grande partie relève du domaine des dieux. Cette étude montre donc l’importance des divinités traditionnelles, trop longtemps négligées ou sous-estimées, et clarifie la place qu’elles occupent dans la construction de la pensée philosophique de Platon. L'interview de Fattitaliani à Aikaterini Lefka.
Le livre que vous venez de publier est votre thèse de doctorat: vous avez changé quelques choses en termes de rédaction? 
Bien sûr. D’abord, le texte d’une thèse de doctorat doit se soumettre à des règles et accomplir des objectifs particuliers, liés au système d’éducation dont elle fait partie, qui ne coïncident que partiellement avec ceux d’un ouvrage scientifique publié. Une adaptation du texte est donc d’office nécessaire avant de l’envoyer chez un éditeur. En plus, dans le cas de cet ouvrage, il y a eu un important retard pour sa publication, dû à une autre maison d’édition qui n’a pas finalement respecté ses engagements. Dès lors, j’ai été obligée, avant la remise du manuscrit à l’éditeur actuel, de prendre en considération les livres et les articles qui sont parus récemment sur divers aspects du sujet, afin de me trouver à nouveau à la pointe de la recherche. Le fait que la Fondation Universitaire de Belgique a gracieusement accepté d’accorder un subside permettant la publication de l’ouvrage, m’a également amenée à prendre en considération les remarques émises par le comité de lecture, composé par des professeurs d’universités belges francophones et néerlandophones. Il faut ajouter aussi qu’un chercheur, tant qu’il a un texte sous la main, est toujours tenté d’y apporter des améliorations, des précisions supplémentaires, des ajouts, puisque ses connaissances et sa réflexion sont en évolution constante. Mais comme la perfection absolue n’est pas de ce monde, il faut un jour savoir arrêter pour arriver à une publication, étant toujours prêt à se remettre en question plus tard ! En conclusion, vous l’aurez compris, le manuscrit finalement publié se trouve à plusieurs égards loin de la thèse défendue en vue d’obtenir mon titre du Docteur en Philosophie et Lettres à l’Université de Liège. Cependant, j’ai maintenu les lignes essentielles et les conclusions fondamentales de ma recherche. 
Le sous-titre porte sur "les divinités traditionnelles": il y a aussi des divinités pas traditionnelles? 
Quelle est la différence entre les deux? Le terme « traditionnelles » fait référence aux dieux de la religion grecque de l’époque de Platon. Comme il a fallu limiter d’une certaine manière le sujet de la thèse, j’ai choisi d’étudier les divinités qui permettent une comparaison plus claire entre ce qu’étaient les croyances courantes de l’Athènes des Ve et IVe siècles av. J. Chr. et la manière dont le philosophe les a affrontées (en les suivant, en les ignorant, en les critiquant, en les modifiant profondément…). La question du rapport de Platon avec la religion de son temps méritait d’être posée et les résultats de cette investigation sont très intéressants, à mon avis. Aussi, je n’ai pas pris ici essentiellement en considération les divinités étrangères (Égyptiennes ou Thraces) ou les divinités tout à fait originales que Platon introduit également dans son œuvre (comme le fameux Démiurge, qui dans le Timée façonne le monde et les divinités subalternes). Dans mon ouvrage j’y fais référence, mais de manière moins approfondie, en me réservant la possibilité d’en parler davantage ailleurs. Par exemple, j’ai publié quelques années plus tôt un article sur les divinités égyptiennes chez Platon. Et comme je prépare actuellement un Lexique des divinités platoniciennes, je compte inclure l’ensemble des dieux cités plus haut dans mon prochain ouvrage. Mais dans aucun de mes travaux je ne me réfère aux demi-dieux ou aux mortels divinisés ensuite, qui font aussi partie des êtres supra-humains la religion grecque, sans être des divinités du même genre que les autres dieux (c’est un point toujours sous discussion parmi les chercheurs, par ailleurs). 
Vous parlez de lacune de ce sujet-là: donc, quelles sources vous avez consulté? 
Pour l’étude de mon sujet j’ai dû consulter la bibliographie autour de l’ensemble de la pensée philosophique et religieuse de Platon. Elle est immense, puisqu’elle a commencé à se constituer déjà depuis l’Antiquité. Il fallait donc absolument faire des choix, mais je pense que j’ai étudié les plus importants des ouvrages et articles parus dans des langues que je maîtrise, sur chacun des aspects de ce thème complexe. En fait, plusieurs savants ont écrit sur la religion de Platon, mais en se concentrant sur l’un ou l’autre aspect du sujet de manière plutôt sélective, ou sur la figure intrigante du Démiurge, qui a incité beaucoup d’auteurs déjà pendant l’Antiquité tardive et le Moyen Âge à proclamer Platon un « monothéiste » avant l’heure. Quelques études récentes ont touché de manière partielle à l’une ou l’autre divinité citée par le philosophe et la dernière décennie a vu un intérêt renouvelé des chercheurs autour des questions religieuses de la philosophie platonicienne. Cependant, personne jusqu’ici ne s’était penché sur l’ensemble des mentions de toutes les divinités traditionnelles introduites par Platon dans pratiquement tous les dialogues considérés largement comme authentiques, en essayant d’analyser cette matière énorme et très variée, afin d’en tirer des conclusions solides concernant divers questions sur la pensée religieuse de Platon et la manière dont elle était liée à sa philosophie. Désormais, c’est chose faite, ce qui apportera, j’espère, de nouvelles données pour continuer la discussion sur ces sujets, car mon interprétation est évidemment ouverte aux critiques, comme toute nouvelle idée apportée par chaque chercheur. 
Quel genre de rapport Platon entretient avec ces divinités? Seulement philosophique et rationnel ou on peut dire sentimental aussi? 
C’est en fait très difficile de définir ce que « l’insaisissable Platon » pense, puisque nous avons de lui seulement quelques lettres (pour la plupart d’origine douteuse) et des dialogues (authentiques et apocryphes), où lui-même n’apparaît nulle part. Comment distinguer parmi les avis exprimés par les différents personnages ceux qui représentent le mieux les positions platoniciennes ? Le protagoniste des dialogues est le plus souvent le maître bien-aimé de Platon, Socrate, qu’on peut considérer comme le philosophe-modèle. Même si on suppose qu’il est dès lors le porte-parole par excellence de l’auteur (et ce n’est pas toujours le cas), la question se pose toujours de savoir quelles sont les idées de Socrate lui-même reprises ici et quelles les innovations de Platon. En ce qui concerne votre question, par exemple, le Socrate des dialogues se montre particulièrement pieux, entretenant des rapports privilégiés avec le monde divin, d’abord grâce à son fameux « signe divin » (daimonion sémeion), qui lui transmet depuis son enfance à des moments propices des conseils pour la meilleure attitude à suivre ou à éviter. Ensuite, parce qu’il présente dans son Apologie l’ensemble de sa recherche philosophique comme un effort personnel d’interpréter les paroles d’un oracle d’Apollon. Finalement, le réveil des consciences par sa méthode dialectique apparaît comme une « mission divine », que Socrate devait accomplir pour le bien de toute la cité. La philosophie est présentée à diverses reprises dans les dialogues comme un précieux don divin, mis sous les auspices d’autres dieux aussi, notamment le dieu suprême du panthéon hellénique, Zeus, qui devient l’archétype du philosophe-roi. Il est certain que Platon approche les dieux de manière rationnelle, en définissant dialectiquement pour la première fois dans la République des « règles théologiques » (tupoi theologias) qui devraient s’appliquer à tout discours sur la divinité, à savoir que les dieux sont intellectuellement et moralement parfaits, des êtres absolument bons (c’est une grande nouveauté pour les croyances de l’époque). Aussi, ils accordent seulement de biens (la source de nos maux doit être cherchée ailleurs) et sont toujours bienveillants pour les hommes. Étant donné la perfection de leurs corps, les dieux n’ont pas besoin de se transformer (forcément en quelque chose de pire), puisqu’ils n’ont jamais l’intention de tromper quiconque. Platon applique cette « théologie rationnelle » dans la façon dont il présente les différents dieux en général (sauf à des rares exceptions, facilement justifiées par les objectifs précis de son texte). Mais comme il fonde ses cités idéales sur ces croyances « révisées » par la philosophie, et comme il insiste particulièrement à tisser des liens multiples entre l’activité philosophique, le philosophe et diverses divinités (mis à part celles citées plus haut on peut encore y ajouter par exemple Athéna, Héphaïstos, Artémis, les Muses, Éros, ou même Hadès…), je pense qu’on pourrait avoir quelques raisons de soupçonner que Platon devrait accorder aux divinités une importance qui allait au-delà d’une approche purement rationnelle. 
À part des citations évidentes, il y a des mots récurrents avec lesquels Platon parle indirectement des dieux? 
Certes, il y a plusieurs manières de se référer au divin, ou à une divinité particulière sans la citer par son nom. D’abord, il y a des termes « génériques », comme « le dieu », « la déesse » ou « les dieux » (theos-thea-theoi ou daimon-daimones, qui est utilisé tantôt comme un synonyme du terme précédent, tantôt pour désigner des divinités mineures), utilisés d’ailleurs de manière interchangeable au singulier et au pluriel. J’ai remarqué que Platon se sert de ces termes notamment s’il ne se soucie pas particulièrement de définir le nom d’une divinité précise, et donc surtout quand il s’éloigne des limites spatio-temporelles de la vie terrestre des hommes et de leurs cités (par exemple, quand il est question du temps des origines du monde, ou de ce qui se passe dans l’au-delà). Parfois, Platon peut utiliser ces termes accompagnés d’une périphrase qui indique une divinité spécifique. Par exemple « le dieu de Delphes » est Apollon, qui avait un oracle célèbre à ce site. Autrefois, le philosophe peut se servir d’épithètes précises d’une divinité, comme « le dieu xenios » (c’est-à-dire de l’hospitalité), qui est Zeus, ou des fonctions spécifiques, comme « notre Souveraine », i.e. Athéna, divinité protectrice de la cité d’Athènes, puisque c’est un Athénien qui parle, ou encore de liens de parenté entre dieux, bien connus par la mythologie. Le « fils de Kronos », qui lui a succédé sur le trône du monde, est Zeus, etc. Il y a donc une grande variété de termes pour dire le divin en général et chaque divinité en particulier, ce qui a rendu ma recherche sur ce matériel de base encore plus ardue. Mais je pense que le résultat final en valait la peine ! Merci beaucoup de vos questions et de l’attention que vous avez apporté à mon travail. Giovanni Zambito
© Riproduzione riservata
Fattitaliani

#buttons=(Accetta) #days=(20)

"Questo sito utilizza cookie di Google per erogare i propri servizi e per analizzare il traffico. Il tuo indirizzo IP e il tuo agente utente sono condivisi con Google, unitamente alle metriche sulle prestazioni e sulla sicurezza, per garantire la qualità del servizio, generare statistiche di utilizzo e rilevare e contrastare eventuali abusi." Per saperne di più
Accept !
To Top